SI BU KA MAMA BU SINTA. SI BU KA OBI FRANCIS KA BU CANSA KU
DJUBI PA BAS.
Interview
Par Adama Ouédraogo Damiss
Cipriano
Cassama, agronome de formation, plusieurs fois ministre est le nouveau
président de l'Assemblée nationale populaire de la Guinée-Bissau issue
des législatives d'avril 2014.
Mais dans un pays abonné au putsch, occuper une telle fonction est un
sursis. L'actuel occupant du perchoir pense que cette fois le retour à
l'ordre constitutionnel ira à son terme et compte s'investir pleinement
pour empêcher la survenue d'une crise.
Quels sont vos sentiments après votre élection à la présidence de l'Assemblée nationale populaire ?
Mon souhait est d'assumer cette responsabilité, de pouvoir exécuter
le programme de la législature 2014- 2018, d'être au service des députés
et de la nation.
Notre rôle, en tant que député, et de président de l'Assemblée est
d'interpeller le gouvernement dans le cadre de l'exécution de notre
programme d'activités, de voter des lois et de veiller à ce que les
intérêts du peuple soient défendus.
Nous avons un programme à exécuter que j'ai présenté aux députés et à
différentes structures au niveau national, et c'est au regard de ce
programme que les militants et les députés m'ont choisi. Je veux changer
l'image de l'Assemblée nationale populaire de la République de
Guinée-Bissau.
Il s'agit pour nous d'unir tous les élus nationaux et de les faire
travailler afin qu'ils soient respectés au niveau de la population. En
tant que représentant du peuple, les populations doivent avoir confiance
en nous et espérer beaucoup de choses de nous.
C'est pourquoi nous allons voir, avec l'aide de nos partenaires, la
possibilité de donner les moyens à chaque député de régulièrement aller
au contact de sa base et de faire la restitution des préoccupations afin
que le gouvernement sache ce que le peuple pense du développement du
pays.
Comme vous le savez, l'Assemblée a deux missions importantes : voter
les lois et consentir l'impôt, mais nous avons aussi un rôle à jouer
dans la stabilisation et la pacification du pays. Les députés doivent dialoguer avec les structures et les institutions
de notre pays pour conseiller et trouver des solutions à ses problèmes.
J'ai foi que l'instabilité que nous avons connue est derrière nous.
Nous avons eu le soutien de nos partenaires, nous pensons que nous
devons aller vers la réconciliation nationale, et aujourd'hui
l'Assemblée nationale populaire doit y jouer un rôle prépondérant.
Nous allons créer ou réhabiliter une commission de réconciliation
nationale pour dialoguer avec les gens en vue de la consolidation de
cette stabilité.
C'est ainsi qu'on pourra changer l'image de notre pays et renforcer
la confiance de nos partenaires. Nous sommes déjà en retard en ce qui
concerne le développement, et il faut le rattrapage, ce qui implique la
sensibilisation des populations aux différents enjeux.
Ce sont les militaires qui sont mis sur le banc des accusés par
rapport aux crises que nous avions vécues. Mais il faut reconnaître
qu'ils sont des humains comme nous et il faut trouver des solutions pour
qu'ils aient confiance aux hommes politiques.
Nous allons poursuivre le dialogue avec l'armée pour recueillir ses
préoccupations et en faire part au gouvernement. Nos militaires ne sont
pas mauvais comme on le pense, nous devons les comprendre.
Aujourd'hui, ils ont eux-mêmes compris que la déstabilisation du pays
ne nous mène nulle part. Il faut que tous ensemble nous dialoguions
pour une solution négociée. Il faut enterrer la hache de guerre et se
pardonner.
Bien souvent les Assemblées sont des caisses de résonance du pouvoir.
Pourtant pour un pays qui vit régulièrement des crises, il faut parfois
des lois courageuses qui n'arrangent pas forcément la majorité
présidentielle.
Je suis député depuis 1994, et je suis aujourd'hui vice-président du
Parlement de l'UEMOA. Je ne dois pas défendre rien que le parti
majoritaire, je suis le président de tous les députés et non de ma
formation politique.
Donc les projets de lois du gouvernement doivent être examinés et
analysés. Et si une loi ne convainc pas les députés, je regrette, elle
sera rejetée. Notre Parlement ne sera donc pas une caisse de raisonnance de qui que ce soit. Nous ferons correctement notre travail.
Votre parti, le PAIGC, a toujours gagné les élections, mais
n'est jamais allé au bout d'un mandat du fait des crises. N'est-ce pas
un échec ?
Le PAIGC est un grand parti bien implanté dans tout le pays. De ce
fait, nous allons continuer à remporter les élections parce que nous
sommes un parti politique fort et bien organisé ; malheureusement, c'est
vrai, nous n'arrivons pas à terminer les mandats.
Comme président de l'Assemblée populaire, je vais jouer un rôle
important pour mettre fin à cette situation en prônant le dialogue.
Comme il n'y avait pas de dialogue, chacun faisait une démonstration de
force pour dire à l'autre qu'on est le plus fort.
Et comme l'homme aime revendiquer, les problèmes naissent ainsi. On
ne peut pas soutenir aujourd'hui que dans un pays il doit y avoir des
hommes forts mais plutôt des institutions fortes au service des
citoyens.
Il ne faut pas oublier nos militaires, car ils doivent faire partie
de la solution au problème du développement. Imaginez un peu des
militaires qui gagnent encore 15 000 ; 30 000 ou 50 000, ce n'est pas
possible.
Beaucoup d'entre eux ne peuvent même pas payer un sac de riz pour
nourrir leur famille. Il nous faut trouver des solutions à la question
des conditions de vie de nos forces armées. On parle d'une réforme de la défense, mais cela doit se faire dans
les règles de l'art, en tenant compte de certaines réalités. Les
militaires ont simplement besoin de bonnes tenues et d'un salaire qui
tombe régulièrement et à temps.
La Guinée-Bissau est lusophone. Comment se fait la collaboration avec les Parlements des pays francophones ?
J'ai proposé de tenir une rencontre des présidents des pays
francophones en Guinée-Bissau pour qu'ils viennent partager leurs
expériences. Ce serait bon qu'un pays comme le Sénégal vienne partager son
savoir-faire, parce que nous avons un Parlement encore fragile et il
faut que nos frères francophones nous aident.
Je profite de l'occasion pour lancer un appel à tous les présidents
des pays francophones de la CEDEAO et à tous les collègues présidents de
Parlement à venir à notre aide parce que nous avons besoin d'eux.
Aujourd'hui, nous vivons le retour de l'ordre constitutionnel, mais
cela n'est pas suffisant. Sans l'aide de nos partenaires des pays
francophones, nous ne pouvons rien faire, c'est pourquoi j'invite les
pays comme le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Sénégal à nous aider.