sábado, 30 de novembro de 2013

ARISTIDES GOMES: A GUINÉ-BISSAU PRECISA APOIO POLITICO



L'ancien Premier ministre bissau-guinéen de 2005 à 2007, Aristide Gomes, également leader du Parti républicain de l'indépendance pour le développement (PRID, deuxiéme force de l'opposition), a accordé lundi une interview exclusive à l'agence Xinhua à Bissau.

Xinhua : Les élections ont eu lieu tout dernièrement et dans le calme et Malam Bacai Sanha a été élu. Quelle lecture faites-vous de cela ?

Aristides Gomes : Les élections se sont déroulées dans la tranquillité. Cela ne constitue point quelque chose d'extraordinaire en Guinée-Bissau, puisque toutes les élections réalisées depuis l'avènement du multipartisme, en 1994, se sont déroulées exactement dans le calme.

Les problèmes de stabilité politique du pays ne sont pas dus à un éventuel déficit d'élections. Le fond des problèmes se trouve dans l'archaïsme des institutions de la défense et de la sécurité. L'armée et la police ne sont pas conçues en adéquation avec les institutions démocratiques.

Il faut que les formes de recrutement dans l'armée soient en accord avec la loi du pays. Il faut que l'on puisse recruter de manière républicaine. Il faut cesser les recrutements clandestins dans une ou autre ethnie spécifiquement voire même dans des familles, particulièrement dans celles de personnalités liées a l'armée.

Le jour où il y aura un retour aux normes pour ce qui est de la constitution républicaine de ces institutions, la Guinée-Bissau aura démarré vers une vraie stabilisation politique et les répercussions sur le plan économique et social se feront sentir immédiatement.

Le malaise est très grand dans le pays. Les électeurs l'ont démontré. 40% des recensés n'ont pas voté pour protester contre la situation qui prévaut dans le pays.

Il faut en tirer des conséquences. Parmi ceux qui ont voté, près de 40% ont voulu protester en fustigeant les candidats traditionnels, puisqu'ils ont voté même pour les candidats absents du scrutin.

Xinhua : Kumba Yala a reconnu sa défaite. N'est ce pas un pas vers la stabilité politique si l'on se réfère aux propos sévères lors de la campagne électorale ?

A.G. : Laissons de côté les impositions protocolaires postélectorales et regardons en face les vrais problèmes d'un peuple qui ne cesse de mettre les clignotants au rouge.

La Guinée-Bissau a besoin d'aide politique comme cela a été le cas pour toutes les nations au monde, pour sortir de la mendicité internationale. Le pays est moins pauvre qu'on ne le dit. Nous avons besoin d'appui politique international concret, avec un support militaire de sécurisation pour empêcher des assassinats par l'armée, condition "sine qua non" pour un débat national en vue de parvenir à des accords, si nécessaire cautionnés par des référendums sur le système de défense et de sécurité à mettre en place, à travers des réformes dignes de ce nom. Une fois fait cela, vous verrez que la Guinée-Bissau pourra rejoindre très rapidement, en termes de niveau de vie, la plupart des pays de l'Afrique de l'Ouest, c'est-à-dire en très peu d'années.

Xinhua : Le président élu, M. Sanha appelle les hommes politiques à travailler pour le pays. Etes-vous prêt à répondre à cet appel ?

A.G. : Nous sommes prêts à collaborer dans l'édification des bases institutionnelles permettant de bâtir un véritable Etat républicain. Nous ne pouvons que souhaiter au nouveau président élu du succès dans cette entreprise de construire une vraie armée et une police.

Il nous faut une vraie armée à la place des actuelles milices. Je sais que les actuels militaires n'aiment pas que je parle d'eux dans ces termes, mais il faut bien qu'ils me comprennent. Je n'ai pas de préjugés envers eux mais en matière de sciences politiques, les désignations sont bien consacrées : Dans leur cas ils font partie des milices, car pour la plupart, ils ont été recrutés sans une date de sortie et surtout clandestinement.

Depuis l'indépendance il y a eu très peu de recrutements républicains. Cela veut dire qu'ils se retrouvent dangereusement dans des structures armées où ils sont tentés d'obéir plutôt à leurs recruteurs ou encore aux principes de leur recrutement au détriment de ceux de la République. Voilà la base de participation dans des assassinats politiques. Il est évident que certains ont une conscience républicaine et sont de vrais patriotes. J'en suis certain et convaincu, mais il n'en demeure pas moins qu'ils se retrouvent dans une structure militaire milicienne, c'est-à-dire partisane et donc pas neutre.

Xinhua : Vous aviez présenté votre candidature qui a été rejetée par la cour suprême. Est-ce que cela n'a pas affaibli votre parti ?

A.G. : Ma candidature a été éliminée politiquement. Il fallait taire une voix critique car tout le monde a compris que si je participais aux élections je pourrais susciter un débat de fond sur les problèmes de la crise actuelle.

Xinhua : Comment se porte le PRID aujourd'hui ?

A.G. : Le Parti républicain de l'indépendance pour le développement se porte à merveille puisque toutes les vérités que nous avions énoncées sont aujourd'hui visibles : Nous avions dit que donner une majorité au PAIGC aux législatives n'était point une solution et qu'au contraire cela ne ferait que permettre la reprise des vielles guerres au sein de ce vieux faucon entre les victimes et leurs bourreaux, tous profondément enracinés dans les différentes factions de milices, avec des conséquences gravissimes pour la Guinée-Bissau.

A titre d'exemple on constate que c'est sous le gouvernement du PAIGC que nous avons connu les pires désastres pour la Guinée-Bissau à savoir la guerre civile de 1998 et les assassinats des dirigeants de ce parti plus d'un chef de l'Etat Joao Bernardo Vieira qui par ailleurs a soutenu le PAIGC lors de ces élections législatives de 2008.

Xinhua : On connaît vos rapports étroits avec l'ancien président assassiné Nino Vieira. Pensez vous qu'un jour la lumière sera faite sur cet assassinat ?

A.G. : Je pense que plus le temps passe moins il y a de la chance que cette enquête porte des fruits et c'est dommage parce que celle-ci pourrait apporter de la lumière sur beaucoup de dossiers y compris celui lié au trafic de drogue dont on a trop parlé sans dire assez de vérités.