La Guinée-Bissau est l'un des pays les plus riches d'Afrique en
ressources naturelles. Au-delà de sa biodiversité variée, son sol,
fertile, recèle de larges réserves en minéraux. Outre ses ressources en
bois et halieutiques abondantes, le pays sait, depuis plus de quarante
ans, qu’il dispose aussi d'importants gisements de bauxite, phosphates
et de sables lourds.
C’est ainsi que des gisements de phosphate ont été identifiés dans la
région de Farim il y a plus de 40 ans, dont les premières études de
faisabilité pour leur exploration ont été achevées au milieu des années
1980. Toutefois, aucune entreprise n'a été, à ce jour, en mesure de
démarrer l’exploitation à grande échelle des quelque 100 millions de
tonnes de minerai recensées. Au cours des dix dernières années, la
licence que le gouvernement avait délivrée pour explorer le site a
changé de mains à plusieurs reprises, notamment du fait de l'incapacité
technique des entreprises à exécuter les travaux requis. Depuis 2009, et
après un temps d’arrêt durant la période de transition qui a suivi le
coup d'État de 2012, la société détentrice de la licence a progressé,
avec l’actualisation de l’étude d’impact environnemental et social,
ouvrant ainsi la voie aux opérations d’exploitation.
Des gisements de bauxite ont également été identifiés près de la
ville historique de Boé. Repérés dès les années 1950, ils n'ont jamais
été rentables au plan commercial, en raison de la faiblesse des cours
mondiaux d’alors. Cependant, les prix ayant triplé au cours des
dernières décennies, les perspectives économiques sont devenues plus
attrayantes. En 2007, un bail a ainsi été consenti à l’entreprise
Bauxite Angola, qui a annoncé récemment des investissements allant
jusque 500 millions de dollars EU. Ces investissements devraient
également couvrir la réhabilitation du réseau routier nécessaire aux
exportations et les premières étapes de la construction d'un port en eau
profonde dans la ville de Buba.
Les perspectives en matière de pétrole ont également suscité beaucoup
d’intérêt. Au total, 14 blocs offshores ont été concédés à différentes
entreprises à des fins d’exploration. Des études laissent à penser que
les réserves de ces blocs pourraient contenir les premiers hydrocarbures
économiquement exploitables dans le pays − sachant qu’il s’agit
d’estimations préliminaires.
Cette dotation en ressources naturelles donne espoir pour le pays.
Pourtant, l'histoire a appris qu’il vaut mieux faire montre d’un
optimisme mesuré que d'espoir. La littérature en économie politique
évoque souvent une « malédiction des ressources », démontrant que
l'abondance de ressources naturelles est inversement corrélée à la
croissance économique ainsi qu’au niveau de démocratie – autant de défis
qui se posent à la Guinée Bissau depuis son indépendance. En tenant
compte de cela, mais aussi du fait que la Guinée-Bissau s’avère encore
aux premiers stades de l'exploitation de ses ressources, le pays doit
pleinement œuvrer à renforcer la gouvernance, avant que n’affluent les
ressources monétaires émanant des rentes extractives. Le pays pourra
alors veiller à ce que les opportunités offertes par les industries
extractives soient positives et ne se transforment pas en vecteurs de
fragilité.
S’il n’est pas une ressource naturelle minérale, le bois offre un cas
d’étude intéressant. En effet, la Guinée-Bissau est riche en bois, de
séquoia en particulier. En 2011, le Parlement a ratifié une nouvelle loi
sur le bois, qui conditionne l’octroi de licences d’exploitation à des
exigences d’ordre environnemental et social – incluant des évaluations
d'impact environnemental et social et des plans de reboisement.
Cependant, plusieurs rapports
sur le terrain suggèrent que, pendant la période de transition qui a
suivi le coup d'État de 2012, l'octroi de licences a fortement augmenté,
avec 61 licences environ délivrées en 2014, contre 15 seulement qui
avaient été accordées en 2012-2013. Parallèlement, la loi
interdit l’exportation de bois non transformé localement. Or, alors que
les installations de transformation fonctionnelles sont encore rares en
Guinée-Bissau, les données de l’ONG britannique Global Timber UK
indiquent que les exportations de bois vers la Chine ont bondi de 80 m3
en 2007 à plus de 15 000 m3 en 2013, soit bien au-delà de la capacité
du pays. Face à un tel pillage, le nouveau gouvernement a décidé de
mettre un terme à l'exportation du bois. Voilà qui démontre que les
lacunes en matière de gouvernance (sans bonne gouvernance, pas de
contrôle sur le volet environnemental, ni sur la valeur ajoutée locale
comme la loi l'exige), peuvent grandement amoindrir les bénéfices que le
pays pourrait tirer de ses ressources.
En termes de gouvernance, les ressources naturelles et les industries
extractives notamment peuvent avoir un double impact. Premièrement, en
termes de gouvernance économique, grâce à des rentrées d'argent
massives. Dans cette perspective, rejoindre l'initiative ITIE est d’ailleurs un bon début. D’autres programmes, tels que l'Initiative du budget ouvert
pour plus de transparence dans les dépenses / recettes, ou simplement
le renforcement des outils nationaux en faveur d’une plus grande
transparence dans la gouvernance économique et la responsabilisation
devraient être prioritaires. Le deuxième impact peut être de nature
environnementale et sociale. Pour y remédier, le pays devrait adhérer à
des pactes internationaux, à l’instar du FLEGT de l'Union européenne
(concernant l’« Application des réglementations forestières,
gouvernance et échanges commerciaux ») pour le bois. Plus important
encore, les capacités doivent aussi être renforcées en ce domaine. Pour
l’heure en sous-effectif, le ministère bissau-guinéen des Ressources
naturelles s’avèrerait vite dépassé, s’il devait mettre en œuvre les
évaluations d'impact environnemental et social de l'exploitation
pétrolière, l'extraction de bauxite ou même celles liés à la
construction d'un nouveau port.
Ces observations n’ont d’autre but que d’appeler à une amélioration
de la gouvernance, en instaurant des normes internationales en faveur de
la gouvernance des ressources. Encore faut-il souligner que les normes
et les procédures ne sont utiles que si elles sont mises en application.
Etant donné l’évolution rapide de ces normes, le pays doit toujours
garder un œil sur l'efficacité de ses mécanismes d'application au fil du
temps. Dans le cas de la Guinée-Bissau, comme dans un certain nombre
d'autres pays ouest-africains, sachant que l'exploitation des ressources
reste encore à devenir réalité, le pays dispose d'une formidable
opportunité : la Guinée Bissau ne devrait pas se focaliser sur la
maximisation de la rente issue de ses ressources, mais plutôt sur la
possibilité qui lui est offerte de poser les bases institutionnelles
nécessaires, et ainsi exploiter ce secteur de sorte d’en profiter
pleinement.